Pensive... le front appuyé contre le grand sapin blanc qu'elle a regardé grandir au fil des ans, comme elle en a vu tant d'autres, croître et mourir au fil des millénaires, son joli chignon soigneusement tiré vers l'arrière, émergeant d'une étole rugueuse, est égayé d'un plumetis épineux. La belle dame du Bouffrot au nez mutin, chantonne douce mélopée que la brise emporte à travers les branches des grands sapins.
Laissez-vous envahir, laissez-vous submerger par sa beauté, au printemps, son souffle tiède déposé par le vent sur votre nuque vous fera frissonner, écoutez-la, elle ne cesse de conter dans le bruissement des feuilles mortes sa vie d'avant, admirez ses mèches crantées retombant sur son front, son maquillage de mousse et de salpêtre lui va à ravir.
Gente dame du Bouffrot possède la plus douce des patiences, mais il est des jours où larmes roulent sur ses joues gréseuses, larmes se noyant sur tendre tapis de mousse, devenant perles de rosée précieuses, des jours où elle pleure sur notre monde, des jours où elle regrette de ne plus être tout là-haut, sur la crête, d'où elle pouvait contempler, perchées sur l'autre côté du vallon, ses sœurs de pierre, observer d'autres cimes de sapins ou se posaient des oiseaux multicolores traversant sans encombre la verte vallée. Elle admirait en silence tout en écoutant chanter rivière sans nom, sinueuse, rieuse et vagabonde, où venaient boire multitude vie de plumes ou de poils, vêtus de carapaces où d'écailles, minuscules ou énormes, se retrouvant là, au bord cette rivière sans entrave, libre d'aimer la mousse ou l'herbe grasse se prélassant sur ses rives ou glissent encore au printemps les rus cascadant, courant et sautillant sur les cailloux venant la rafraichir des fontes de neige. Longtemps, très longtemps après, elle a entendu les hommes l'appeler Moselle... Pour revoir tout cela, il lui suffit de fermer les yeux, d'oublier ces scélérats la mutilant, gravant à jamais sur sa chair de pierre, des lettres et des cœurs d'un amour de jeunesse ou d'un passage si vite oubliés de leurs mémoires. Mais elle frémit toujours aux caresses si elles sont faites avec tendresse, je garde cette étrange et douce sensation au bout des doigts...
Douce dame du Bouffrot... Tu as encore tant et tant de siècles à attendre,.. ton destin est de sourire à qui saura le voir, à faire rêver qui saura imaginer tout ce que tu as pu voir et entendre, ce que tu entendras et verras dans le futur, quand nous, hommes de passage ne seront plus que poussière, toi, qui est là depuis la nuit des temps...
Clémentine* la vagabonde *__*
27/04/2021