Nous sommes partis de bon matin sur un coup de tête, une envie de montagne, de nos montagnes, les Vosges...
Il est facile de préparer des en-cas de dernière minute, chacun une tomate, une tranche de jambon, du pain, la pomme se glisse aisément dans le sac à dos, la bouteille d'eau aussi, et nous voilà partis direction les chaumes du Petit Ballon....un voyage de deux heures, c'est vite fait, n'est-ce pas ! deux heures à suivre les méandres de nos petites routes de campagne, celles qui chantent entre près et vallons, celles où les vaches nous regardent passer d'un oeil morne en mâchouillant cette belle herbe grasse de nos prairies, des prairies tachées de mauve et de jaune, de l'or de nos jonquilles qui éclaboussent toute cette verdure de millier de soleils, mais oui ! les jonquilles c'est notre soleil de printemps !
Que nos montagnes sont belles, ici, nous les appelons des mamelons tant elles sont arrondies, elles rappellent la douceur des femmes de Lorraine, des femmes fières et courageuses, n'en doutez point, mais là n'est pas le sujet, si vous insistez, je vous parlerai d'elles un autre jour...
Pour l'instant, direction Gérardmer, longeons le lac pour arriver à la route des cols, nos lacs sont des lacs glaciers, et il faut du courage pour s'y baigner, sauf en plein été, ou c'est le bonheur de se rafraichir un peu, les étés peuvent être très chaud dans les Vosges!
Celui de Gérardmer est cerné de montagnes dont les flancs sont parsemé de fermes et de chalets entourés de prairies, celles qui servent à nos skieurs l'hiver...
Nous voici lancé a l'assaut de la Schlucht, nous surplombons les lacs de Retournemer et de Longemer, les cimes des sapins à flanc de montagne se marient aisément à celles plus hautes grattant les nuages de leurs pointes, et le paysage est grandiose....conducteur regarde bien ta route ! quant à moi, mes yeux glissent très souvent du côté rocheux... un mauvais souvenir de descente de ravin en voiture...
Après une jolie montée, nous passons sous la Roche du Diable, arrêtez-vous un instant, un tout petit sentier entre les roches vous mène au bord du précipice, admirez sans rien dire cette vue plongeante sur les lacs, bien petits en contre-bas, on y devine en belle saison quelques voiles....
Ne restez-pas trop longtemps, il y a encore de la route à faire, encore un peu entre roches et ravins, le temps d'arriver aux chaumes... quelques restaurants, des remonte-pentes, nous sommes au sommet du col ... des passionnés s'envolent accrochés à leurs ailes de nylons...
Et en avant pour la descente ! direction Munster !!! bien sur, ce nom vous dit quelque chose, pas étonnant ! c'est là qu'est fabriqué le fameux fromage, du lait de nos belles vosgiennes, qui partent en estive dès le printemps, sonnant et trémaillant sur leur passage, suivies d'une escorte d'amoureux de la nature, hé oui, maintenant elles sont bien accompagnées pour rejoindre les chaumes, pâturages de montagne...
Au fond de la vallée est nichée cette bourgade de Munster... que de fleurs... l'Alsace aime les fleurs... mais continuons notre route, tous ces villages se terminent en bach.... nous sommes vraiment coté alsacien à n'en point douter !
Direction le Petit Ballon, et voilà, toujours ces petites routes sinueuses, pas d'autres choix de toute façon, la beauté se mérite, et pensez à nos ancêtres qui faisaient tout ce chemin à pied la plupart du temps, chemin de guerre, chemin de partage, chemin de contrebande...
De minces rubans serpentent le long de la route qu'ils épousent parfaitement, rien n'est laissé à l'abandon, l'été ces rubans sont jaunes de soleil, jaunes de blés de montagne, pas très haut mais tellement important à une certaine époque, que nos paysans ne cessent cette drôle de façon de cultiver par respect pour leurs ancêtres...sa monte, sa tourne, sa monte encore, et nous voici arrivé au Petit Ballon... tout est vert, vert de chaumes de printemps, vert tendre des arbres qui deviennent si rares au sommet, vert sombre des sapins qui grimpent partout à flanc de montagne,vert de l'espérance d'une belle journée...
Mais le temps a passé, déjà midi! si on s'installait pour sortir notre pique-nique, un banc de bois ancré dans la roche nous permet une vue plongeante sur la vallée, dévorer son casse-croûte dans de telles conditions, un simple bout de pain suffirait...
Mais "il" trouve qu'il y a trop de vent, et décide de retourner manger dans la voiture, c'est son choix et le mien est de rester là, face à ce que la nature nous offre de sa splendeur coutumière ....bien sûr, je remonte la fermeture éclair de mon coupe-vent, et laisse la bise balayer mes cheveux...qu'il fait bon... la tomate est déjà croquée, le vent siffle à mes oreilles, ne chantant que pour moi cette drôle de mélopée...
Mais j'ai le ressenti d'une présence, l'impression de ne plus être seule à contempler le spectacle de la nature, de regarder la cime des sapins ployer et onduler dans la vallée, comme une immense vague bleue...oui, je ne suis plus seule, mais pas de sentiment de stress, étrange... un coup d’œil sur ma droite... il est là... assis à coté de moi sur le banc, il est venu sans bruit, maître goupil, un superbe renard au museau très fin et très noir, à la robe presque brune, il regarde dans la même direction que moi, puis doucement tourne sa tête vers mon visage, ses petits yeux noirs et brillants plongent dans les miens, nous nous regardons sans bouger, il n'est pas surpris de ma présence étant venu vers moi, et la sienne ne me fait pas peur, j'ai côtoyé d'autres renards dans ma vie... alors je partage mon sandwich avec lui, à chaque bouchée offerte, il va la cacher un peu plus loin, sous un sapin, puis revient s'asseoir à coté de moi, et me regarde, il accepte mes cadeaux, mais ne les mange pas...à ce moment, je pense qu'il les cache, en prévision ou pour ces petits...mais le manège dure, il aura pris tout mon sandwich...les gens qui se baladent un peu plus loin sont intrigué, ils s'approchent, mais mon drôle de compagnon file sous les sapins et ne revient que si les importuns s'éloignent, que tu es étrange gentil renard...que veux tu de moi ? je n'ai plus rien à te donner...et ce vent est assez froid, alors je rejoins la voiture, et toi étrange renard, tu viens t'asseoir à coté de ma portière, et tu me regardes, la langue pendante sur tes babines, à quoi peux-tu bien penser ?
Notre marche sur les chaumes n'est pas encore faite, et nous décidons de partir, le temps de tourner la tête, tu avais fui...je n'ai pas vu où, et le regrette bien, mais un bref coup de klaxon nous fait sursauter, et les gens dans la voiture nous font des signes étranges,"regardez sous votre voiture !" qu'elle ne fût ma surprise, tu étais là, comme pour m'empêcher de partir, impossible de reculer et de risquer de t'écraser, il me faut ruser...un bout de pain jeté au loin t'éloigne, le temps de reculer et pour moi de sauter dans la voiture, nous repartons quelques kilomètres plus loin en parlant de cet étrange renard...
Nouvel arrêt, direction les chaumes, les vraies, un paysage exceptionnel ! tout d'abord, entrer dans les parcs à vaches en utilisant les glissières, vous savez, ces passages en bois, on pousse d'un côté ou de l'autre, on passe par-dessus un rondin, passage pour une personne, point de fuite pour les vaches !
Les vaches ? nos vosgiennes, lignée blanche et noire avec ce dessin si caractéristique à cette race, une longue bande blanche sur l'échine, puis des taches noires et enfin la robe d'un noir bleuté jusque mi-flanc...et on repart sur le blanc ! on ne peut les confondre avec nulle autre race, on dirait des vaches naines...la montagne et l'altitude font cela, je n'irais pas jusqu'à vous dire que leurs pattes côté gauche sont plus courtes que celle du côté droit afin de tenir l'équilibre à flanc de montagne ! non je ne vous le dirais pas, même si c'est ce que l'on raconte depuis toujours aux Parisiens !!!!
Elles nous regardent passer nonchalamment, avec leurs tontines aux cous, chacune différente, ce qui permet de les retrouver quand elles se sont trop éloignées, mais aussi t'entendre un tintinnabulement agréable et mélodieux.. .imaginez-vous, seul, au milieu des chaumes, avec cette musique apportée par le vent, à regarder un paysage de montagnes à vous couper le souffle... au loin, la plaine d'Alsace, et par temps très clair, ont doit pouvoir apercevoir le mont Blanc... enfin, je l'ai toujours entendu dire, mais je ne me souviens pas de l'avoir vu de cet endroit !
La ballade est très agréable, mais ce vent emporte tout, le chant des tontines et nos mots, qui partent dans un grand tourbillon rejoindre les nuages en effilochage courant dans le ciel, je suis certaine qu'ils transportent un millier de poèmes sur leurs ailes, fait de mots envolés et volés par le vent, pour les laisser se poser sur certains cœurs aptes à les recevoir et à les goûter avec une suave volupté...
La descente des chemins ravinés par les sabots des vaches est assez malaisée, quelques fois on court , juste parce que le vent nous pousse un peu trop fort, ou que les cailloux nous font des farces, embûches sorties de terre par nos coquines laitières !
Nous voici de retour au parking, la voiture est bien là, pas de problème, mais savez-vous qui la garde ? qui est couché tel un bon chien attendant ses maîtres, coté passager de la voiture ?
oui, vous avez compris, le renard est là, il me regarde et moi je ne sais que dire, je ne sais que faire...gentil renard...drôle de renard....que fais-tu là ? que veux-tu de moi ? que veux-tu me dire ? Juste me faire comprendre que l'esprit de Thokala est toujours présent...ces vastes prairies où Il repose , vertes prairies où vous aussi les renards avez droit à jamais, de lui tenir compagnie......
Maintenant, je vous laisse rêver... mais n'omet pas de vous dire que Thokala, nom Nakota veut dire Renard Argenté....c'était le nom de mon grand-père...
Clémentine*Avril 2007