En file indienne se promènent,
Baguenaudent sur le rivage
Comme nuée de petites sorcières sages
Émergence en herbes folles
Seraient-elles devenues frivoles
Ignorant le temps qui passe
Aux yeux de promeneurs impassibles,
À leurs charmes, indisponibles
Elles restent stoïques
Figées comme tableau allégorique
Attendant sagement le soir
Pour dans l'obscurité se mouvoir
Dès que naissent les premières étoiles
Diamants scintillants sur grande toile,
En courtes nuits d'été et de pleine lune
Elles deviennent comme somnambules
Baillent, s'ébrouent, étirent leurs racines
Subitement deviennent divines
Délicieuses petites fées aux ailes de soie
Quittent leurs squelettes de bois
Quittent leurs squelettes de bois
Oubliant du jour les tourments
Complotent en riant dans le vent
Tressent couronnes de lycopode doré
Piquées de minuscules pensées de marais
Puis, en joyeuse sarabande sur le sable
Jolies et minuscules indomptables
Elles profitent de la nuit pour œuvrer
Leur charabia en notes cristallines
Exalte les hôtes de l'étang de Bouzey
Que peuvent-elles bien leur conter
De quels méfaits espèrent-elles les protéger
De cette eau devenue trop chaude qui disparaît ?
Laissant à nu sable sec comme en bord d'océan ?
Caresses légères aux plumes de neige
Fiers voiliers d'un lac en peau de chagrin
Les cygnes n'ont pas eu de poussins
Le grèbe n'est pas revenu cacher ses petits
Les foulques sont rares
Eiders et mouettes blanches ne cancanent ni ne crient
Les grenouilles ont désertées
Réfugiées à l'étang de la Comtesse,
La flaque est devenue muette
Aux baignades passées, on ne peut plus plonger
À cet endroit appelé " le trou du curé"
Pour sentir sur nos mollets
Le chatouillis de nageoires bleutées
Écailles argentées ne jouent plus au soleil
Méduses d'eau douce ne se montrent plus
Le seul trésor se découvrant est de nacre
Anodontes géantes, à la coquille meurtrie
Centenaires coquillages aux perles précieuses
Proies faciles et mystérieuses
La nuit devient trop courte, alors
Les petites fées bleutées s’ankylosent
Retrouvant carcasses de bois au pas lourd et lent
Dès qu'arrive le soleil levant
Pétrifiées à nouveau,
En file indienne
En file indienne
Elles reprennent leurs places
Attendant la prochaine lune
Secret bien gardé
Par les astres et leur destinée
Poètes et rêveurs peuvent les contempler
Si aux matins tôt se sont levés
Il m'arrive de les écouter tristement chanter
Quand le vent musarde en leurs blessures béantes
Infligées par les hommes, pour créer le lac...
Ce lac qui perd ses eaux
Ne voguent plus les bateaux...
Clémentine*
Août 2020
Le trou du curé
Après la construction du barrage en 1882 (en 1895 le barrage lâchait faisant une centaine de victimes, il fût reconstruit en 1900) Un curé à l'imperturbable bonhomie, jadis, venait y pêcher brochets et autres poissons qu'il partageait avec les plus pauvres de ses ouailles, ou qu'il apportait quand, dans une ferme il était invité...
Imaginez-le, en soutane noire, les trois premiers boutons du col ouvert, béret vissé sur son crâne, un sourire béat illuminant son visage,(imperturbablement, aux curieux il disait "je prie" mais je pense que cette béatitude venait de cet endroit si calme, si régénérant, à regarder son bouchon flotter mollement à la surface de l'eau, titillé par un foulque curieux, regard invité au bal des libellules et argus bleutés , virevoltant tout en arabesques accompagnés de chants d'oiseaux, dans cet air chaud de nos étés vosgiens, tout cela pour lui, devenait prière) donc, notre curé, calé sur son pliant et canne de roseau à la main, à ses pieds, une petite boite de ferraille au couvercle troué, habitée de vers déterrés dans son jardin à la fraîche, pour attraper l'ablette qui elle, servira d'appâts au brochet... c'était "son coin" et pour les pêcheurs de maintenant, une façon de savoir où ils avaient batailler pour sortir de l'eau le grand carnassier... j'ai nettoyé et dégusté des brochets de cet endroit...je m'y suis baignée aussi, quand la prise gisait sur le rocher, quand le pêcheur ne faisait plus que flâner, mais c'était avant, quand il y avait encore de l'eau...
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