Un cerf,
Majestueux
Les bois fiers et allure de Roi...
Son territoire protégeait, celui de la Louvroie
L'encolure tendue, l'oeil aux aguets, il surveillait
Les naseaux frémissants, sans cesse se retournait
Il veillait ses douces, pâturant sur la mousse
Sans trêve à la recherche de jeunes pousses
Certaines avaient encore l'espièglerie de l’insouciance
Jouant à sauter par-dessus les buissons avec assurance
N'ayant encore acquit la craintivité qui leur sauverait la vie
Elles gambadaient, les pattes légères et le museau en envie
Le seigneur d’Épinal à la chasse s'en venait
Poussant son cheval sur les hauteurs de la forêt
Précédé de ses chiens et suivi de ses laquais
Pour une partie de chasse, car au château, il s'ennuyait...
La tendre et insouciante bichette en confiance
Fût subjuguée de l'éclat du pourpoint de garance
Tacheté d'un azur beau comme ciel sans discordance
Le seigneur sur son cheval avait bien belle prestance...
Jamais encore elle n'avait vu ces couleurs en sa forêt
Les paysans amenant leurs bêtes en glanure
Avaient le ton des arbres en perdance de ramure
Elle ne bouge plus, fascinée, envoûtée
Elle n'entend le rallant du vieux dix cors ...
Toutes sont parties dans une fuite effrénée
Zigzagant entre les arbres, toutes... sauf elle...
Il ne peut l'abandonner, les chiens vont arriver...
Il attendait depuis si longtemps pour en faire sa préférée...
Le grand cerf bondit, entre le chasseur et la chassée
Les bois en avant, le mufle au ras du sol il racle des sabots
Ses bois majestueux devraient suffire à faire fuir l'ennemi...
La jeunette a enfin compris, la garance est pour sa vie
De son regard de biche affolée, elle implore le grand cerf,
Elle attend de savoir ce qu'il veut, lui... elle, ne sait que faire
Fuis! un jour, tu porteras ma vie... il se donne courage, un espoir en non-dit...
La flèche acérée, son flanc à transpercé, mais il ne s'avoue vaincu
De ses bois rejette un chien sur le côté...celui-là ne pourra plus chasser...
Il se bat, pour elle, il combat... l'époi est sanglant mais il ne lâche pas
De longues minutes il rait de douleur face à ce satané vainqueur
Maintenant, sa horde est à l'abri, il sait qu'il sera mort avant la tombée de la nuit...
Le seigneur d’Épinal est triomphant, mais une fée veille sur la dépouille du Roi
Elle a vu son courage... son opiniâtreté à combattre de ses bois...
Les laquais ont beau faire, impossible de soulever l'écorché aux bois démesurés ...
Ils sont tous repartis ne pouvant ramener la preuve de cette tuerie...
Et depuis ce jour, dans le bois de la Louvroie
Un squelette torturé continue de gémir son désarroi
En position de défense il est, et restera
On peut l'entendre les jours de grand vent
Les bois fiers et le mufle tendu à l'infini du ciel
Continuer de raire pour sauver encore et encore sa belle.
Vous vous demandez comment je sais tout cela ?
Chut... c'est la fée de la Louvroie qui, un soir de pleine lune
Alors que j'allais sous la brume
Aux pieds du vieux cerf, me le raconta...
Clémentine*
Décembre 2013
garance = couleur rouge donnée par cette plante
époi =cor au sommet de la tête du cerf