.... 25 juillet 2015
LE
PARASOL
La
grande bleue dit-on... c'est vrai, la turquoise est merveilleuse, les
vagues, plutôt son léger clapotis invite au farniente...déballage
de serviettes sur le brûlant du sable, on se pose, juste le temps
d'ouvrir le petit parasol bleu, signe de ralliement de ma petite
tribu, pas de temps à perdre, vite, laisser cette eau salée nous
porter, nous envahir, nous parfumer d'iode, nous caresser de ses
ondulations, sublimer nos ébats, nous laisser imaginer une précision
de dauphin dans nos cabrioles... rire, éclaboussements, courses
contre les vagues, les garçons se mesurent au crawl, ma championne
de natation les dépasserait en quelques brasses, mais là, dans leur
rôle de maman, mes deux filles surveillent leur progéniture,
sûrement un peu trop pensent nos ados....
Du
large... tout est relatif bien sûr... regard sur notre parasol
bleu-piscine( chouette, il n'y a que le nôtre de cette couleur, plus
facile à repérer pour revenir sur la plage) mais un parasol jaune à
rayures blanches... à moins que cela ne soit le contraire, blanc à
rayures jaunes vient de fleurir devant le nôtre.... vous me direz
classique le bayadère... bien sûr, totalement de votre avis,
classique.... mais voilà, déjà dix minutes que nous avons
calfeutré le doux de notre postérieur humide sur nos serviettes
multicolores, à regarder quelques voiliers glisser sur la ligne
d’horizon, le parasol rayé de jaune et de blanc, lui, est
cramponné par une main aux doigts crispés sur sa hampe... un peu de
vent venant du large balaie la plage, mais rien ne vole à part les
grains de sable chaud venant de serviettes secouées par certains,
remballant leur matériel... sûrement là depuis un peu trop
longtemps au vu de la couleur écrevisse du corps de la dame, qui
n'avait pas de parasol elle ! La main cramponnante dégouline d'un
bras sortant d'un tee-shirt couleur anis, qui lui s'écrase sur un
maillot marron, qui ne sera certainement pas mouillé, au vu de la
montre de ville portée à l'autre poignet servant d'appui sur la
serviette de bain, plus haut, là-haut, cachant les cheveux, un
chapeau de paille, joliment rétro avec son ruban... une mamie, dans
son rôle de mamie à qui on a confié ses petits-enfants pour des
vacances à la mer, deux marmots de trois et quatre ans, un qui fait
câlin à l'ombre du chapeau et du parasol, l'autre, ne cesse dans un
va-et-vient jusqu'à la mer de remplir son seau afin d'arroser le
château construit par le papy, qui lui, s'imaginait sûrement dans
le short de ses dix ans, à construire tours et remparts, sans
oublier le fossé que le gamin remplit.... remplit.... remplit.... il
est venu vers moi, regardant sans mot-dire le joli coquillage que
j'avais ramassé... maintenant, son château à une bannière
originale...
Quant
à la mamie, elle cramponne toujours le parasol, constante, une
demi-heure... elle tient, mon maillot est sec depuis belle lurette et
elle , n'a toujours pas bougé… que craint-elle ? Un coup de vent
force huit ? Ou alors que le maniaque des parasols bayadères ne
passe et d'un geste vif s'empare de la précieuse ombrelle et ne
s'enfuit en courant le long de la grève... je l'imagine ce voleur,
l’œil aux aguets, repérant sa proie... une toile rustique, de
préférence rayée de jaune et de blanc...tiens, ce grand brun frisé
qui regarde partout... un voleur de parasol en puissance...
certainement, il va se jeter sur le piquet planté sur le rivage,
l'arracher d'un mouvement énergique en bousculant la mère-grand,
qui elle ,va piquer du nez sur le sable, en avaler un peu, ce qui
étoufferait ses cris et lui permettrait à lui de s'enfuir avec son
butin.... sûr, le nôtre, mini-parasol en nylon ne l’intéresse
pas.... mamie ! tu viens de lâcher le parasol pour plonger la main
dans ton grand sac ! Quel suspens, le voleur va-t'-il profiter de
cette poignée de secondes pour te le piquer ? Trop tard pour le
voleur, mamie s'est essuyé le nez, puis reprit sa faction... la main
crispée sur le manche.....voilà plus d'une heure qu'elle se
cramponne, en tout bien et tout honneur à son parasol... mais que se
passe-t-il donc dans sa tête...hormis le voleur, elle voit sûrement
son bout'chou de petit-fils le prendre et le retourner, s'en faisant
un navire flottant à la crête des vagues et partir au loin, emporté
par le vent, lui faisant de grands signes de la main avant d'aller
faire escale en des pays lointains, la laissant aux prises de la
colère parentale, de n'avoir su prévoir le drame d'une fugue en
mer.... ou alors, elle craint que le papy n'en dispose comme
parachute ascensionnel pour aller reluquer de plus-haut les formes
avantageuses de certaines naïades ayant oublié de mettre le haut de
leur maillot pour prendre uniformément cette belle couleur pain
d'épice qui fera pâlir de jalousie leurs collègues ayant choisi la
campagne comme lieu de villégiature quand elles reprendront le
boulot.... ou que le vendeur de chouchous, tout de jaune vêtu, si
bien assorti à son parasol, son carton à l'odeur de sucre et de
friture sur la tête, passant au rythme d'une samba chantée avé
l'assent d'ici, qu'ils sont bons mes beignets, choooco chooocolat,
les beignets du cap'taine choco (incroyable ce type, pour moi, la
vedette de la plage, ne lui manque que le perroquet sur l'épaule
pour que je me retrouve à Rio!) bref, la crainte du vendeur de
chouchous voulant lui prendre son parasol, le retournant et
l’utilisant comme étal pour sa marchandise... ce qui voudrait dire
qu'il nous rabattrait les oreilles tout l'après-midi avec sa samba
au chocolat.... prudente et prévoyante la mamie... qu'il continue
donc à sambater le long de la plage....
Non,
je pense tout simplement qu'elle espère une belle bourrasque qui la
ferait s'envoler par-dessus tous ces maillots de bain mettant en
avant quelques jolies formes ou laissant bide flasque et rougissant
de certains vacanciers dégoulinant de crème bronzante, oui, elle
attend ce coup de mistral l'emportant, corps fané accroché au mât
du parasol jaune rayé de blanc, la faisant virevolter dans les airs,
à lui faire perdre notion du moment, cet air qui, à chaque secousse
vous ramène en arrière, vous faisant perdre les années passées
trop vite, elle espère virevousser* suffisamment longtemps ,
laissant le mistral effacer les rides d'hier, lui rendant dans un
souffle éolien ses vingt ans... alors, doucement, elle
redescendrait, son chapeau de paille laissant échapper ses boucles
blondes soyeuses, son tee-shirt anisé mettant en valeur une poitrine
sortant triomphalement d'une juvénilité arrogante, son short serait
plus court, laissant les garçons se pâmer devant une superbe pomme
joufflue et bien ferme....oublié les petits-enfants et le papy tout
plissé, les châteaux de sable et le vendeur de chouchous, elle se
poserait comme une mouette gourmande à côté de ce bel apollon
offrant ces biceps au soleil et aux regards admiratifs des midinettes
de la plage... et puis.....
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Je
devrais peut-être moi aussi me cramponner à la hampe de notre
parasol couleur bleu-piscine.... qui sait.....
Clémentine*
en mod'vacances.... 25 juillet 2015
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